Pont
d’Iéna
Au
pied de la Tour Eiffel, des Maliens vendent des répliques
miniatures du monument, achetées en gros dans une boutique
située non loin du boulevard Sébastopol. Ils habitent la chambre
à côté de la mienne. Ils sont six dans dix mètres carrés.
Ils n’ont pas de carte de séjour. Le matin, il se réveillent
à l’aube pour pouvoir utiliser le robinet des toilettes avant
que les autres locataires ne soient levés. Je les croise souvent
sur l’esplanade du Trocadéro. Quelquefois en coup de
vent. Car, lorsque la police débarque, ils replient alors
en quatrième vitesse, leur étal de fortune et prennent leurs
jambes à leur cou. Un matin, l’un d’entre eux n’est pas rentré
à la maison. Il s’était fait attrapé. Il avait laissé sur
le trottoir son grand mouchoir couvert de tours Eiffel. Ses
amis m’ont demandé d’aller récupérer son matériel car ils
avaient peur que les flics ne leur tendent un piège. J’y suis
allé. J’ai fait une photo en pensant à celui qui, au même
instant, dormait au poste. Pour lui, la France, c’était fini.
Baudouin
Eschapasse
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