La
Nouvelle Eve - 25 rue Fontaine
Ancien
quartier chaud de la Capitale, périmètre branché jusqu’au
tournant des années quatre-vingt-dix, le neuvième arrondissement
s’assagit. Oubliées les folles virées rue Blanche, terminées
les soirées endiablées jusqu’à l’aube. Les dancings, boîtes
et autres bars de nuit ferment les uns après les autres. La
fin d’une époque ?
Pour
la sixième saison consécutive, le Palace restera fermé cet
automne. La boîte de nuit la plus branchée des années quatre-vingt
gardera porte close tout l’hiver. Ainsi en a décidé le tribunal
de commerce. En refusant consécutivement les offres de rachat
faites par Mick Hucknall (le chanteur rock anglais de Simply
Red), des frères Blanc (déjà propriétaires de nombreux
restaurants dans la capitale) et d’un professionnel de l’immobilier
(Eric Gourcuff qui possède une centaine de commerces en Ile-de-France),
les juges consulaires ont condamné l’ex-temple de la nuit
parisienne à un long sommeil.
Comme
le Palace et son club très select, le Privilège, Lili la Tigresse
n’est plus qu’un souvenir pour les fêtards parisiens. L’ancienne
boîte de strip-tease, transformée en bar à gogo a baissé le
rideau il y a plus d’un an. Des voilages transparents ont
remplacé les lourdes tentures de velours pourpre et l’on y
aperçoit aujourd’hui des ordinateurs en lieu et place du zinc
sur lequel se déhanchaient hier de blondes créatures. Le Passage
du Nord Ouest a succombé en 1995. Malgré une programmation
remarquable (et remarqué), malgré le soutien de très nombreux
artistes, la salle de spectacle qui avait succédé au mythique
Club des Cinq où s’étaient produits, entre autres Edith Piaf
et Yves Montand, a dû se résoudre à fermer.
Mais
la liste ne s’arrête pas là. Des bureaux risquent également
de remplacer le New Moon ou encore le Shéhérazade, rue de
Liège, qui ont mis récemment la clef sous la porte.
Des
cabarets et cafés-concert qui faisaient la réputation du quartier
il y a vingt ans (le Casino Cadet, le Casino de Montmartre
ou encore le Petit Casino), ne subsiste plus que le Casino
de Paris. Le théâtre Pigalle a été rasé pour laisser place
à un parking et la scène du Tabarin détruite nuitamment pour
la transformer en magasin d’alimentation.
On
n’en finirait pas d’énumérer les endroits démolis : du
cirque Bouglione à la Comedia, victimes de promotions immobilières,
en passant par le théâtre de poche de la rue de Rochechouart
reconverti en garage. Le neuvième est en pleine transformation.
Même l’Olympia n’est plus ce qu’il était… Détruite, elle aussi,
pour être remontée à l’identique à quelques mètres de son
emplacement initial, la salle de spectacle des époux Coquatrix
a perdu quelque chose dans le déménagement : peut-être
tout simplement son âme.
Et
Pigalle ? « Pigalle fout le camp !», soupire
une « hôtesse » de bar, à qui l’oisiveté semble
peser. Car les temps sont durs aussi pour les sex-shops des
boulevards. « la concurrence est rude. Le sexe s’est
tellement banalisé. N’importe quel vidéo-club de quartier
compte désormais son rayon de films X », commente, fataliste,
un gérant de boutique. « Même au moment du Salon de l’Agriculture,
période traditionnellement faste pour nos petites affaires,
les visiteurs se font de plus en plus rares », se lamente
une dame de petite vertu.
François
Truffaut reconnaîtrait-il son quartier aujourd’hui ?
Pas sûr. « Le neuvième s’est assagi », semble regretter
Michel Archimbaud. L’éditeur qui vit là depuis plus de vingt
ans a vu évoluer l’arrondissement. « La population a
vieilli, les habitants sont désormais demandeurs de davantage
de tranquillité ». Seul demeure encore la Nouvelle Eve…
rue Fontaine mais l’ambiance n’est plus franchement à la gaudriole.
Baudouin
Eschapasse
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