Rocky - 68 quai de Jemmapes

C’est le coiffeur des stars… l’ami des vedettes. De Coluche à de Caunes en passant par Gérard Darmon et Véronique Genest ! Albert Nirschl, alias Rocky, tient le salon de coiffure le plus “ show biz ” de la capitale. Installé en bordure de canal depuis 1992, le “ Rock Hair ” est le rendez-vous des acteurs. Inutile de vous étonner si vous y retrouver Mathilda May ou Jean-Pierre Kalfon, Luis Rego ou Patrick Bouchitey… ce sont des habitués.

Signalé de la rue par deux néons rouges, le salon ne paye pourtant pas de mine. Quelques fauteuils sixties, un plafond badigeonné à la va-vite et un curieux séchoir-maison (composé de quatre sèche-main installés en quinconce : “ une idée piquée au film Recherche Susan désespérément avec Madonna ”, reconnaît Rocky), l’endroit n’aurait rien d’attirant si n’était la personnalité du propriétaire ! “ Un sacré personnage ”, reconnaît une cliente en pointant une photo, près de la porte, où l’on voit le bonhomme couper les cheveux d’un jeune punk à la tronçonneuse.

Strasbourgeois d’origine, parisien d’adoption, après un court passage à Toulon, Rocky arrive dans la capitale en mai 68. “ Avec 350 francs en poche ” et des rêves plein la tête. Refusé par Joffo (le grand salon de l’époque) : “ trop émotif, je bégayais et le patron voulait un vrai commercial ”, Albert fait ses premières armes rue de Bièvre (“ en face de Tonton : je coiffais toute la famille Mitterrand ”). En 1974, son salon de coiffure, rue de la Ferronnerie, “ décoiffe ” la capitale. “ Showman ” dans l’âme (il a fait l’acteur dans sept longs métrages), Rocky y relooke tout ce que la France compte de “ branchés ”.

Vingt-cinq ans après, le personnage s’est assagi. Finies les fiestas jusqu’à l’aube, les parties de billard en compagnie de Lou Reed, les virées nocturnes avec les couche-tard. Rocky regarde passer les péniches en coiffant Florence Artaud ou Philippe Poupon, autres fidèles des lieux.

Quand on lui demande ce qui l’a amené là, le coiffeur ne s’embarrasse pas de longs discours. Désignant le canal qui coule de l’autre côté de la vitrine il se contente de lâcher : “ la flotte ! ” Et quand on évoque devant lui la transformation du quartier, le coiffeur éclate de rire. “ J’ai toujours eu du nez, plaisante-t-il. Après les Halles en 1974 et Bastille en 1980, où vouliez-vous que j’aille ? Dans un endroit tranquille comme ici. En ce temps là, la Marine était encore un Couscous Royal, le café Prune n’en parlons pas… ”, constate-t-il, un rien moqueur. Le jour où cela deviendra trop “ fashion ”, nul doute que Rocky déménagera encore.

Baudouin Eschapasse

 
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